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Pour cette balade au fil de l’estuaire de la Gironde, je vous propose de rejoindre la fin des terres à la Pointe de Grave, puis de descendre doucement vers le sud jusqu’à Fort Médoc.
Le Médoc est une pointe de terre encadrée par l’océan Atlantique et la Gironde. D’un côté, le roulis inlassable des vagues qui déferlent sur les immenses plages de sable, de l’autre, les eaux boueuses de l’estuaire de la Gironde, rencontre d’un fleuve, la Garonne, et d’une rivière, la Dordogne.
Deux façades, deux paysages très différents : d’un côté, de longues plages de sable bordées par un cordon dunaire ; de l’autre, ce sont tout d’abord des polders à perte de vue, puis plus au sud, des vignes à l’infini, un paysage ponctué de petits villages et de curieuses cabanes de pêcheurs tout le long de la Gironde.
La pointe de Grave, la fin des terres
Notre-Dame de la Fin des Terres
Soulac-sur-mer est la dernière petite ville sur la côte Atlantique avant la pointe de la Grave, une cité balnéaire avec des maisons d’un style particulier, les « soulacaises » des villas en briques ornées de décorations colorées. Il ne faut pas hésiter à se perdre dans les rues pour les admirer. Au centre ville, il y a une grande halle de style néocolonial qui abrite un marché très animé, l’occasion d’acheter des produits locaux comme les fruits de mer. Un peu plus loin se trouve une église aux lignes sobres avec un petit clocher carré. C’est la basilique Notre-Dame de la Fin des Terres, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Son histoire recèle de nombreux mystères. Elle aurait été construite au 1er siècle par Sainte Véronique après la mort de la Vierge. Au 18ème siècle, elle fut engloutie par l’érosion dunaire. Imaginez que seul son clocher restait visible ! Elle ne fut dégagée qu’au milieu du 19ème siècle.
Verdon-sur-Mer, l’extrémité du Médoc
La ville de Verdon-sur-Mer, quant à elle, occupe l’extrémité de la Pointe de la Grave. Côté océan, l’immense plage offre un beau de vue sur le phare de Cordouan. Le soir, le soleil donne un magnifique spectacle alors qu’il s’efface doucement mais sûrement derrière la ligne d’horizon.

Sur le cordon dunaire, il reste de nombreux blockhaus, dont ceux de la batterie des Arros, un alignement assez bien conservé de quatre plateformes et dans lesquels on peut entrer. La masse de béton qui les compose est assez impressionnante. Leur situation était stratégique pour assurer la protection du port de Bordeaux où se trouvait une importante base navale. Ce sont d’ailleurs les français qui ont commencé à ériger les premiers ces ouvrages avant d’être pris par les allemands et étendus jusqu’à comporter 350 bâtiments ! Des graffeurs de tous styles en ont fait leur terrain de jeu et c’est assez réussi. Si ce n’était les traces rouillés des canons et les embrasures rectangulaires, on en oublierait presque leur dessein originel.
Côté estuaire se trouve le port du Verdon. D’ici partent les bateaux pour des excursions en mer ou pour traverser la Gironde et rejoindre Royan. Tout à côté, le phare de Grave abrite le musée du phare de Cordouan avec plusieurs maquettes de phares. Je me suis contentée de l’extérieur, l’endroit est un peu délaissé. Le bateau installé au pied du phare, une ancienne vedette de relève des gardiens de Cordouan, a perdu ses couleurs.
Histoire de phares
L’emblématique Cordouan
S’il est un phare hors du commun, c’est bien celui de Cordouan, surnommé le Versailles de la mer. Il est bien plus qu’un phare ; c’est un véritable monument historique. On le doit au départ au Prince d’Aquitaine, Édouard de Woodstock qui fit ériger une « tour à feu » au sommet de laquelle, chaque soir, un ermite allumait un feu pour guider les marins. L’ouvrage finit par tomber en ruine. C’est alors Henri III qui décida de lancer un chantier hors norme, symbole du pouvoir royal, l’occasion de montrer la puissance de la France après l’occupation anglaise. L’idée était d’en faire l’héritier du phare d’Alexandrie, pas moins ! Il fallut 27 ans pour achever les travaux. Une cité ouvrière avait même été construite au plus près du chantier. Il y avait des écuries, des ateliers de menuiserie, une forge, un moulin pour le blé, un four à pain et même un chai pour le vin ! Toutes ces constructions ont fini par disparaître sous l’assaut des vagues. Quant à l’architecte, Louis de Foix, il mourut avant de voir son œuvre achevée! Le résultat est donc un bâtiment aux accents royaux, avec l’appartement du roi, une chapelle royale, des sculptures, des boiseries et des carrelages de toute beauté.

C’est toute une aventure que de rejoindre le phare de Cordouan. C’est le seul phare en mer qui se visite. Il faut tout d’abord prendre un bateau. Sauf que le bâteau ne peut pas s’approcher au plus près du phare, car ce dernier a été construit sur l’île de Cordouan. Alors du bateau, nous sommes invités à sauter dans un véhicule amphibie, mi bateau mi camion qui va naviguer puis rouler sur les rochers. Il nous faut ensuite en descendre et finir le chemin à pied. Des chaussures hermétiques sont indispensables car l’eau peut monter jusqu’au-dessus des chevilles ; 5 mn à pied à barboter dans l’eau et à admirer les reflets du phare dans les flaques.
Nous voilà au pied du bâtiment accueillis par deux gardiens. Ils habitent ici et se relaient tous les 15 jours pour entretenir le phare et accueillir les visiteurs. Levez la tête et vous découvrirez des pieuvres, des macarons, des décors floraux finement travaillés, des colonnes, des frontons… une architecture inspirée de la Renaissance italienne et espagnole.
L’intérieur est à la hauteur des ambitions royales, magnifique. Nous découvrons au premier étage l’appartement du roi dont le sol est pavé de marbre blanc et noir. Au-dessus se trouve la chapelle royale avec de véritables vitraux et une plafond à caissons en forme de coupole. Henri IV, en faisant réaliser cette chapelle, voulait prouver qu’il était bien devenu catholique après sa conversion. Dans les étages suivants, nous découvrons la salle des Girondins d’où part un bel escalier circulaire ; il y a ensuite la salle du contrepoids, un mécanisme qui activait des volets, occultant à un rythme défini la lumière de la lanterne. Toutes les trois heures, le poids devait être remonté. Au dernier étage se trouve la chambre de veille, le lieu où les gardiens se relayaient pour s’assurer du bon fonctionnement du phare.
Encore quelques marches et nous voilà à l’air libre, à côté de la lanterne. Elle arbore trois couleurs : le vert (au nord), côté de la passe principale que les bateaux doivent emprunter, le rouge (au sud) qui signale une passe à plus faible tirant d’eau et enfin le blanc qui est la couleur de Cordouan. La portée lumineuse du phare est de 40km, et ceci grâce à la lentille de Fresnel, inventée par Augustin Fresnel et testée ici-même à Cordouan en 1823. C’est ce type de lentille qui équipe de nos jours la majorité des phares dans le monde entier.
Richard, l’arbre qui devint un phare
Le phare de Richard se trouve à environ 30 km au sud du Verdon-sur-Mer, sur la commune de Jau et Dignac. Il servait à signaler un banc de sable dans l’estuaire. S’il est beaucoup plus petit que celui de Cordouan, il se détache magnifiquement du paysage, car il est entouré de mattes (des polders). Tout ce coin, autrefois, était un vaste marécage ; des îles se détachaient de loin en loin, telles celles de Talais, Jau, Dignac…
Il y avait ici il y a bien longtemps un arbre, l’Arbre de Richard. Comme il se détachait bien du reste de la végétation, il servait de repère aux marins qui savaient qu’il y avait à cet endroit un banc de sable à éviter. Mais l’arbre finit par disparaître ; une bouée fut alors installée, mais la signalisation restait insuffisante. Un phare fut alors construit en 1843. Il prit la forme d’une tour ronde, toute simple, surmontant la maison où habitait le gardien. Il n’est plus en activité aujourd’hui, mais a été transformé en musée de la vie estuarienne depuis le 19ème siècle. On peut aussi monter tout en haut de sa tour pour découvrir l’immensité des mattes d’un vert étincelant.
A côté du phare se trouve une digue qui protège les terres des inondations. On peut s’y promener dessus et découvrir plusieurs carrelets. L’un d’entre eux peut même se visiter.
Des mattes et des huîtres
Talais et ses cabanes ostréicoles
A mi-chemin entre Verdon-sur-Mer et le phare de Richard, il y a Talais et son ancien port ostréicole situé à quelques kilomètres au nord du village. C’est là qu’on peut voir les cabanes ostréicoles construites par les pêcheurs, aujourd’hui en cours de réhabilitation. Un chemin de sable passe entre les cabanes, toutes blanches, égayées par des volets bleus vifs. Les façades sont décorées avec des bouées, , des cordes, des ancres… Des roses trémières encadrent les portes et fenêtres. Au bout du chemin, il y a le port ; enfin, ce n’est pas un port au sens où on l’entend. Quelques bateaux sont amarrés sur le côté du chenal. Il y a aussi un petit musée, « la mémoire du port » fermé lors de mon passage qui expose des outils utilisés pour l’ostréiculture.
Tout autour, ce sont des mattes, ces polders aménagés au 17ème siècle avec l’aide des Hollandais pour assainir et exploiter les terres qui bordent l’estuaire ; des terres riches en alluvions sur lesquelles sont cultivées des céréales. Un chemin permet de rejoindre les bords de l’estuaire et de longer ce dernier. Une plateforme d’observation a été aménagée : de là, on peut bien voir les immenses grues du port de Verdon-sur-Mer et, de l’autre côté de l’estuaire, les villes et villages de Royan, Talmon, Meschers… On peut continuer à longer l’estuaire où de nombreuses cabanes sur pilotis équipées de carrelets sont installées. Le carrelet désigne le grand filet carré suspendu à l’avant des cabanes. Ce filet est descendu dans l’eau, puis après quelques minutes, il est remonté, emprisonnant les poissons qui se trouvent alors entre lui et la surface.
Le port de Goulée
Le port de la Goulée est situé sur la commune de Valeyrac, probablement l’une des nombreuses îles de l’estuaire autrefois. Le nom de Goulée signifie « embouchure étroite ». Le port a connu une activité importante au 18ème siècle partagée entre pêche, ostréiculture et transports de marchandises ; des marchandises transportées dans des gabarres, des péniches à fond plat, jusqu’à Bordeaux. L’activité s’est amplifiée avec l’arrivée de la culture de la vigne, mais a finalement décliné avec l’essor du chemin de fer. Aujourd’hui, c’est une halte nautique avec des pontons accueillant essentiellement des voiliers ou de petits bateaux à moteur. Il reste encore quelques cabanes ostréicoles en bois marron.
Au sud du village, le paysage de polders fait place aux vignobles et aux grands châteaux médocains. C’est d’ailleurs d’ici que part la route des vins.De grands châteaux sont installés sur ce territoire, produisant essentiellement du vin rouge. La route longe des kilomètres et des kilomètres de vignobles, d’où émergent quelques beaux bâtiments en pierre, dont certains peuvent parfois être surprenants. Ainsi, en quittant le village de Valeyrac, une étonnante tour émerge des vignobles, celle du château « la Tour de By». Celle-ci fut construite en 1825 sur les ruines d’un moulin afin de servir de phare.

Vertheuil, une abbaye au milieu des vignes
Un peu à l’intérieur des terres, à proximité du vignoble de Saint-Estèphe, deux clochers émergent au -dessus des étendues de vignes. L’un est carré à la base et octogonal à son sommet ; c’est le plus ancien, érigé au 12ème siècle. L’autre, entièrement carré, est un peu moins haut ; il date du 15ème siècle et fut construit pour servir de tour de défense au moment des guerres de religion. Ces clochers sont ceux d’une abbaye, qui se situe au centre du village de Vertheuil. Elle date du 12ème siècle, mais elle a été remaniée plusieurs fois depuis. L’extérieur est à la fois très simple et très travaillé. C’est un bâtiment rectangulaire qui présente de magnifiques détails comme les sculptures qui ornent son porche d’entrée. L’intérieur est à ne pas manquer : la nef est très lumineuse, certains murs et piliers sont peints de multiples motifs ; les chapiteaux montrent des personnages variés.
Pauillac, capitale du Médoc
Nous voilà maintenant à Pauillac, la capitale du Médoc, vous savez, cette célèbre appellation viticole qui rassemble des noms prestigieux comme Lafite-Rothschild, Latour et Mouton-Rothschild. Car oui, tous sont situés sur la commune de Pauillac.
La ville est bordée par l’estuaire. Une passerelle en bois a d’ailleurs été aménagée. Elle constitue une jolie petite promenade. Elle permet de découvrir un carrelet puis des jardins où des chaises longues en bois ont été installées. Un bel endroit pour pique-niquer et se poser un peu ! En poursuivant, on atteint le port de plaisance qui rend hommage au Marquis de La Fayette. C’est d’ici que ce dernier est parti pour les Amériques en 1777, alors qu’il était pourchassé par les troupes du roi.
Avant de quitter les bords de l’estuaire, jetez un œil au point de vue : on prend ici encore la mesure de l’immensité de cet estuaire. On aperçoit au milieu des eaux l’île de Patiras ; au 18ème siècle, elle servait de lieu de quarantaine pour les navires au long cours qui y déchargeaient leurs marchandises, notamment de la laine et du coton.
La ville est légèrement vallonnée, traversée de petites rues bordées de maisons en pierres blanches. A voir, l’église Saint Martin, dont la façade ressemble à un temple : elle a été construite au 19ème siècle, période où l’architecture grecque était à la mode.
Continuons toujours plus au sud. En quittant Pauillac, nous passons devant un beau château, celui de Pichon Baron.
Fort Médoc veille sur l’estuaire
Dernière étape de cette balade, le Fort Médoc : il fut érigé à la demande de Louis XIV afin de protéger l’estuaire. Avec le fort de Blaye, implanté de l’autre côté de l’estuaire, ils forment un véritable verrou autant défensif qu’offensif.
C’est une construction assez surprenante, au milieu de toutes ces vignes ; une construction que l’on doit à Vauban avec son plan caractéristique en étoile, entouré par des fossés. Une fois franchi le mur d’enceinte, on se retrouve face à une vaste prairie. Les bâtiments sont disséminés sur le pourtour des fortifications. On y trouve une caserne, une boulangerie, un magasin à poudre…
Tout au bout, il y a le corps de garde, un bâtiment surélevé avec deux beaux escaliers en façade. Au rez de chaussée, on peut découvrir une salle d’armes voûtée qui a du être protégée des inondations par une digue.
C’est ici que se termine cette découverte de l’estuaire. A une vingtaine de kilomètres plus au sud se trouve le Bec d’Ambès ; c’est ici que la Dordogne et la Garonne s’unissent pour former la Gironde, le plus grand estuaire d’Europe.
Le coin pratique
- Informations sur le phare de Cordouan
- Restaurant : La Pêcherie au Verdon-sur-mer, très bons plats de poissons et de fruits de mer, accueil convivial, réservation indispensable
- Phare de Richard : Aire de pique-nique aménagée, parking, sanitaires, cale d’accostage pour les bateaux (accessible à marée haute ). Carrelet de pêche visitable
- Abbaye de Vertheuil
- Office du Tourisme de Pauillac : on vous y donnera des adresses et des contacts pour visiter les châteaux viticoles
- Toutes les informations pour visiter un château médocain