Un article un peu différent. Ici, l’important n’est pas de savoir où ça se trouve, mais de partager des sensations, des impressions, des moments hors du temps… Peut-être la période de confinement y est-elle pour quelque chose ?
Vivre une aventure ? Mais que mettons-nous derrière ce mot ? L’aventure avec un grand A, nécessite-t-elle de partir loin et de vivre des choses éphémères et inhabituelles ? Des comme-ça, j’en ai déjà vécues, comme gravir les pentes du Mont Fuji ou faire des échappées belles en vélo dans la vallée de Katmandou.
Mais l’aventure, n’est-ce pas aussi ce petit plus qui vient pigmenter notre quotidien et nous donner des ailes pour continuer (à rester confinés par exemple…). L’aventure, ne pourrait-elle pas être une micro-aventure au bord d’un étang situé à moins d’un kilomètre de chez soi ? Allez, venez, je vous emmène en voyage à côté de la maison !
C’est un petit chemin qui descend tranquillement du village dans le vallon jusqu’au bord du ruisseau. En ce mois de mars, il a fait le plein d’eau. Il est bordé d’arbres et de toutes sortes de plantes vertes. Ses rives sont ponctuées de lathrées clandestines, des fleurs mauves qui s’incrustent dans les racines des arbres.
Puis les arbres s’espacent laissant découvrir un étang garni de roseaux et de plantes aquatiques. Cet étang, c’est une microaventure, un petit voyage pendant lequel le temps suspend son vol. C’est une bulle d’oxygène qui regonfle l’esprit pour le reste de la journée, qui fait danser des images devant les yeux longtemps après l’avoir quitté.
Lathrée clandestine
En cette fin d’hiver, il est possible de s’approcher du bord, mais dans quelques semaines les orties, qui sont ici pléthores, en interdiront l’accès à tout mollet sensible. En venant de bonne heure le matin, on assiste à un véritable spectacle. Il y a tout d’abord les poissons qui s’en donnent à coeur joie en faisant des bonds hors de l’eau comme des pieds de nez aux pécheurs confinés. Il y a ensuite, selon les jours, un héron ou une aigrette qui viennent se tremper les pattes. Ils sont plutôt farouches. Sitôt qu’ils m’aperçoivent, ils s’envolent pour aller se percher dans les arbres. Enfin, il y a les canards et les poules d’eau occupés à construire un nid pour leur future progéniture.
Voilà que les premiers jours du printemps sont arrivés, et comme par magie, la végétation a pris vie et s’est transformée un peu plus chaque jour. Ainsi, j’ai vu les arbres bourgeonner, puis se couvrir de feuilles, de fleurs aussi parfois. J’en ai vus certains pleurer, oui pleurer goutte à goutte comme une petite pluie d’été. Les orties, quant à elles, ont pris une belle ampleur. Difficile désormais d’accèder tout au bord de l’étang. Et c’est heureux, car ainsi, les animaux sont bien tranquilles. J’ai quand même pu apercevoir les poules d’eau et leurs petits. Saviez-vous qu’ils ont la tête rouge ? En fait, je les ai trouvés très moches, mais avec le confinement, je suis en capacité de m’extasier devant sans rechigner !
Bébés poules d’eau quand les saules pleurent
Au fil des jours, j’ai appris à ouvrir l’œil et à distinguer ce qu’en temps normal, je n’aurais probablement pas soupçonné. Ainsi, mes yeux se sont habitués à dénicher les crapauds calamites ou les grenouilles qui ont pourtant revêtu un bel habit de camouflage. Tellement efficace, que je ne me rendais même pas compte au début, qu’ils étaient à portée de pieds. La vue et l’ouïe en éveil, j’ai appris à dénicher et à reconnaître toutes sortes d’oiseaux, du plus petit au plus gros : mésanges, fauvettes, merles, aigles bottés… Oui, tout ce petit monde se donne rendez-vous ici.
Tout autour de cet étang, j’ai vu les champs éclore et changer de couleurs, passant du marron couleur de la terre, au jaune, couleur de la fleur du colza, puis au vert en attendant la récolte. Combien de fois me suis-je retrouvée dans les prairies à quatre pattes ou à plat ventre au milieu des herbes folles pour photographier, observer de nombreux trésors. Comme ces orchidées sauvages dont trois espèces ont éclo en cette période : l’orchis pyramidal, l’orchis pourpre et le sérapias à labelle allongé. Ou encore comme ces chenilles d’un noir brillant appelées à devenir des paons du jour.
Orchis pyramidal Orchis pourpre Sérapias Paons du jour
Je le connaissais déjà cet étang, mais je me rends compte que j’y passais sans le voir vraiment. Au fil des jours, je me suis passionnée pour les reflets moirés des arbres dans ses eaux, rapportant sans cesse de nouvelles photos.
Découvrir cette faune et cette flore, de nouvelles espèces, de nouveaux noms, s’attarder devant le changement de lumière, je peux bien le dire aujourd’hui, ça a bien le charme d’une aventure. Et en cette période de confinement, mes journées ont toutes commencé par cette micro-aventure, cette ballade matinale qui s’est très vite transformée en un rituel ; qu’il fasse soleil, qu’il vente, qu’il pleuve. Il m’en a apporté du bonheur ce petit étang.
Mais alors, me direz-vous, il est où ce petit étang magique ? Et je vous répondrai : « peu importe, ce qui compte, c’est le regard porté sur ce qui nous entoure, le plaisir pris à contempler des lieux tellement proches qu’on ne leur prête pas suffisamment attention. » Et vous, vous avez un étang par chez vous ?
Lucie
Très bel article et superbes photos ! J’ai aussi découvert les poules d’eau et leurs poussins en début de déconfinement, c’était merveilleux 🙂