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Haute-GaronneOccitanie

À Toulouse avec Clémence

Pour illustrer le thème du mois #EnFranceAussi, je vous invite à une petite balade dans Toulouse en compagnie de Clémence Isaure. Vous ne la connaissez pas ? Laissez-moi donc vous la présenter…

Ce mois-ci, le challenge #EnFranceAussi créé par Sylvie du blog Le Coin des Voyageurs porte sur le thème du matrimoine sous la houlette d’un trio féminin 🙂 : Paule Élise du blog 1916 kilomètres Delphine du blog In rando veritas et Audrey du blog Arpenter le chemin . Le matrimoine concerne tout ce que les femmes ont réalisé : œuvres d’art, voyages, exploits sportifs…

Sous le regard de Clémence

Pour démarrer cette balade, rendons-nous dans le quartier des Chalets à la croisée des rues Falguière et de la Concorde. Ici se trouve une fontaine ornée d’une statue un peu étrange. Une dame, perchée sur une colonne, semble saluer les passants. Sa coiffe évasée et rigide attire l’œil. Elle tient une couronne de fleurs à la main. Nous sommes aux pieds de Clémence Isaure. Cette sculpture, qui fut inaugurée en 1913 à l’occasion des 600 ans de l’académie des Jeux Floraux, fit grincer des dents certains Toulousains. Il est vrai que sa représentation est plutôt éloignée des autres portraits que nous découvrirons dans notre balade.

Mais qui est Clémence Isaure ? Plusieurs qualificatifs la désignent : muse, poétesse, mécène, figure mariale… L’histoire raconte qu’une certaine Clémence Isaure aurait légué ses biens à la ville afin de raviver l’Académie des Jeux Floraux au 15ᵉ siècle. Une Académie, appelée auparavant la Compagnie du Gai Savoir ; compagnie qui fut créée en 1323 et qui avait pour objectif d’organiser un concours de poésie. Le vainqueur recevait une violette d’or.

Mais, le doute plane sur l’existence de cette Clémence Isaure et jusqu’ici personne n’a réussi à véritablement démêler le vrai du faux. Pourtant, plusieurs représentations existent, sculptures ou peintures. Poursuivons notre chemin pour en découvrir d’autres…

Le couronnement de Clémence

Dirigeons-nous maintenant vers la place du Capitole, l’occasion de passer par l’église Saint Sernin et son clocher octogonal. C’est le plus vaste édifice roman de France. Située sur une place aujourd’hui piétonne, elle est vraiment très belle à admirer. De là, enfilons la rue du Taur, une agréable rue piétonne qui nous mème directement Place du Capitole.. Nous voilà devant un magnifique bâtiment tout en longueur, emblème de la ville rose. S’il abrite aujourd’hui la mairie et un théâtre, le Capitole fut au départ le palais de huit Seigneurs du Chapitre, « Senhors del Capitol » en occitan. Plus tard, ils se firent appeler « Capitouls » et baptisèrent leur palais « Capitole » comme le célèbre monument romain. Ces Capitouls formaient l’équivalent de notre conseil municipal. Ils ont dirigé Toulouse pendant 600 ans !

Prenons un peu de recul sur la grande place pour admirer la façade. Son apparence actuelle date du 18ᵉ siècle. Une façade remplie de symboles. Elle comporte huit colonnes en marbre rose symbolisant les huit capitouls. Et tout en haut du Capitole, sur l’aile gauche, revoilà Dame Clémence qui nous contemple à nouveau. Assise, elle tient à la main un bouquet de fleurs. À ses côtés se tient Palla Athéna, déesse de la sagesse et des artistes (entre autres) dans la mythologie grecque.
D’autres statues décorent la façade du Capitole. Ainsi, au centre se trouvent des représentations de la Force et de la Justice encadrant deux anges qui tiennent les armoiries de la France. Et à l’extrémité droite, ce sont la Tragédie et la Comédie qui sont représentées.

L’intérieur du Capitole se visite et ce serait vraiment dommage de ne pas y entrer. L’intérieur est majestueux, notamment la Salle des Illustres avec ses 60 mètres de long et 6 de large. Une salle qui accueille les bustes d’hommes célèbres, comme Raymond IV (Comte de Toulouse et croisé) ou encore Godolin (poète occitan du 17ᵉ siècle) ; une salle dont les murs sont recouverts d’immenses fresques, de véritables œuvres d’art racontant des pans de l’histoire de Toulouse et réalisées par des peintres locaux, les Laurens (père et fils), Benjamin Constant, François Lucas, Edouard Debat-Ponsan, Henri Rachou, Paul Pujo.

Mais revenons à Dame Clémence et aux Jeux Floraux. Dans le grand escalier qui mène à la salle des Illustres se trouvent deux œuvres monumentales. Levez les yeux et vous verrez au plafond le «Couronnement de Clémence Isaure », une œuvre du peintre Jean-Pierre Laurens. Sur le mur, on découvre la première séance des Jeux Floraux qui se tenait alors dans le verger des Augustines, œuvre de Jean-Paul Laurens (père du précédent) : le 3 mai 1324, le jury de la compagnie du Gai Savoir récompensa Arnaut Vidal de Castelnaudary pour son poème à la Vierge.

Une fois le prix remis, un cortège quittait le palais du Capitole pour se rendre à la Basilique Notre Dame de la Daurade afin d’y obtenir la bénédiction de la Vierge Noire.
Avant d’y aller, ne quittez pas la place du capitole sans jeter un œil sous les arcades à l’opposé de la place et qui abritent les terrasses des cafés. Au plafond, 29 tableaux réalisés par l’artiste Raymond Moretti représentent l’histoire de Toulouse… et votre regard devrait y croiser (entre autres) Dame Clémence.

La Vierge Noire

La Basilique Notre Dame de la Daurade se situe à 5 minutes à pied de la place du Capitole, au bord de la Garonne. Pour nous y rendre, prenons la rue Gambetta puis la rue Jean Suau qui nous mènent directement au bord de la Garonne. Ici se trouve le Port de la Daurade, un très bel endroit pour se poser au bord de la Garonne et découvrir sur l’autre rive le célèbre hôpital de La Grave et son dôme.

La Basilique Notre Dame de la Daurade jouxte le port. C’est l’une des plus vieilles églises de Toulouse. Elle a une allure bien particulière. On la reconnaît facilement à sa physionomie trapue dépourvue de clocher, avec sa façade qui ressemble à un temple… elle a été édifiée au Vᵉ siècle sur les vestiges d’un ancien temple. Elle était décorée de mosaïque à la feuille d’or, d’où son nom. Des mosaïques qu’auraient contemplées les rois Wisigoths. Elle abrita au IXᵉ siècle un monastère bénédictin. Elle a subi par la suite de lourds travaux : en 1703, sa coupole qui menaçait de s’effondrer a dû être reconstruite.

Attention, l’entrée, plutôt discrète, se situe sur le côté. L’intérieur est magnifique : des plafonds peints, de nombreux tableaux… et surtout une étonnante Vierge Noire. C’est ici que, tous les ans, le 3 mai, a lieu la messe de l’Académie des Jeux Floraux : les fleurs en métal qui sont remises comme prix aux lauréats du concours littéraire y sont bénites par la Vierge Noire, protectrice de la ville et des futures mamans. La Vierge Noire possède de nombreux habits offerts depuis le 18ème siècle par les fidèles. Elle est changée au rythme du calendrier liturgique par sa camériste, une fonction qui se transmet de femme en femme. Sur la photo, elle porte un magnifique ensemble vert brodé d’or confectionné spécialement pour elle par un maître tailleur de Sarragosse.
Et Dame Clémence ? L’histoire raconte qu’elle aurait été confondue avec une certaine Bertrande Ysalguier dont le tombeau familial se trouvait dans le couvent de la Daurade. Sur ce dernier se trouvait une statue de femme  ; il fut dit qu’il s’agissait de Clémence Isaure…

L’hôtel d’Assézat

Reprenons notre balade le long de la Garonne et bifurquons rue de Metz. Très vite, nous arrivons devant l’hôtel d’Assézat : c’est ici qu’est hébergée l’Académie des Jeux Floraux, et ce depuis 1895. Considérée comme la plus ancienne société savante d’Europe, elle fut reconnue d’utilité publique en 1923. L’hôtel d’Assézat fait partie des incontournables à voir à Toulouse. Il fut érigé en 1515 par un marchand de pastel, plante cultivée dans la région et dont les feuilles produisent une teinture bleu pâle (couleur que l’on retrouve fréquemment sur les volets en bois). La cour intérieure recèle une architecture très travaillée et harmonieuse. L’intérieur se visite également et abrite la fondation Bemberg qui rassemble des objets de la Renaissance jusqu’au milieu du 19ᵉ siècle.

Pour clore cette balade avec Clémence, poursuivons sur la rue de Metz jusqu’au Musée des Augustins. C’est l’un des plus grands musée de Toulouse, installé dans un cloître. Il présente entre autres une collection de chapiteaux particulièrement bien mise en valeur. Et aussi, plusieurs représentations de Dame Clémence, en peinture et en sculpture ! L’occasion d’aller la saluer une dernière fois (musée fermé pour travaux au moment de la parution de cet article).

Le mot de la fin

Alors, à votre avis, Dame Clémence, mythe ou réalité ? Je retiens que c’est une femme qui fut sensible aux belles lettres et qui insuffla un regain à ce concours. Et ce concours littéraire, bien que peu connu, existe encore de nos jours. Je vous propose de laisser le dernier mot à Victor Hugo qui lui rendit hommage dans son recueil Odes et Balles de 1822 : « Aussi belle qu’à sa naissance, votre muse se rit des ans et des douleurs ; le temps semble en passant respecter son enfance ; et la gloire, à ses yeux se voilant d’innocence, cache ses lauriers sous ses fleurs».

Le coin du curieux

  • Où voir encore Clémence Isaure :
    • à Toulouse, au musée du Vieux Toulouse
    • à Paris (pour Jus Diego, la plus Parisienne des blogueuses #enfranceaussi) , au jardin du Luxembourg
  • Site internet pour tout savoir sur l’académie des Jeux Floraux
  • Un clin d’oeil musical, Le Tombeau de Clémence Isaure, une œuvre vidéographique et musicale tournée Place du Capitole
  • Et aussi sur mon blog, Sous le charme de Toulouse
  • Et sous ce lien, vous pourrez découvrir les articles des autres blogueurs #EnFranceAussi sur le thème du matrimoine.
Statue de Clémence Isaure au Jardin du Luxembourg
10 comments
  1. Paule-Elise

    Super, cette balade en forme d’enquête sur les traces d’une femme mystérieuse ! C’est un parfait fil rouge pour découvrir la ville autrement, et quelle histoire intrigante que celle de cette figure mi-femme mi-allégorie !

    1. Renée

      Merci pour ton commentaire ! Effectivement, c’est une expérience sympa que de « re »-découvrir sa ville en suivant les traces d’une personnalité marquante.

  2. Audrey

    Je raffole des itinéraires pour suivre une personnalité à travers une ville, celui-ci est parfait ! Quant à démêler le mythe de la réalité, je vais laisser cela aux spécialistes… rêver, c’est pas mal, non ?

  3. Delphine

    2 ans passés à Toulouse et je n’avais jamais entendu parler de cette Clémence Isaure, ni même de cette « Académie des Jeux floraux », même si le « gai saber » me renvoie vaguement au temps des troubadours. Ca m’a fait plaisir de revoir un peu de Toulouse, où j’ai fait mes études, et où je ne suis pas retournée depuis un salon mémorable il y a plus de dix ans déjà !

    1. Renée

      Merci Martine. Et il y a aussi une autre salle à decouvrir au Capitole avec de très belles toiles géantes d’Henri Martin. Il ne faut pas hésiter à entrer !

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