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Bretagne

Balade au cœur de Rennes

Pour être passée rapidement à Rennes il y a quelques années, j’avais le souvenir de maisons à colombages colorées, de petites places et de ruelles attirantes. J’avais aussi en tête l’image du Parlement en feu dont le toit s’effondrait dans les années 90 et qui avait ému bien au-delà de la ville.
Cette fois-ci, je décidais de prendre le temps de me balader en ville, et aussi et surtout de découvrir ce célèbre bâtiment qu’est le Parlement qui a fait l’objet d’une impressionnante restauration. Mais pour entrer dans ce dernier, il faut se joindre à une visite guidée. Du coup, j’en ai profité pour la coupler avec la découverte du centre historique, une jolie balade de deux heures que je vous recommande très chaudement.

Le couvent des Jacobins

Rendez-vous nous est donné à 10 h, place Sainte Anne, devant l’office du tourisme situé au couvent des Jacobins. Avant de démarrer la balade, la guide nous donne les grandes lignes de l’histoire de Rennes depuis l’Antiquité alors que la ville s’appelait Condate. C’était le nom du peuple qui vivait là, un nom qui signifie confluent en gaulois. Car la ville est traversée par deux fleuves : La Vilaine, qui coupe littéralement la ville en deux, et l’Îlle. Du coup, les terrains sont certes fertiles, mais aussi marécageux.
En 1368, un couvent fut fondé par un couple (et non pas par le Duc comme le rapporte la légende ; ce dernier aurait en fait permis d’accélérer les travaux en apportant un financement) ; les frères Dominicains s’y installent.
C’est un lieu qui a accueilli un événement historique, celui des fiançailles d’Anne de Bretagne avec Charles VIII, roi de France, scellant ainsi l’union de la Bretagne et de la France le 17 novembre 1491. Imaginez, Anne de Bretagne n’avait alors que 14 ans et venait d’être mariée par procuration à Maximilien, futur empereur romain germanique. Mais en novembre 1491, Rennes capitule face aux troupes du roi de France ; elle est alors contrainte de se marier au roi de France, mariage qui sera célébré au château de Langeais le mois suivant (son premier mariage fut invalidé). Si Anne de Bretagne se posa en gardienne de l’indépendance de la Bretagne, à sa mort, en 1514, la Bretagne fut rattachée à la France.

Le couvent des Jacobins est aujourd’hui transformé en centre des congrès. Certaines salles témoignent de son passé, notamment la nef, un auditorium installé dans ce qui était l’église. C’est un site qui mêle intimement parties historiques et architecture ultra moderne. Ainsi l’entrée est repérable par une tour rectangulaire, un « signal lumineux » qui émerge au-dessus des bâtiments du Moyen Âge. Comme j’y étais pour le boulot, je n’ai pas eu trop le temps de visiter le bâtiment ni d’y faire des photos, par contre, j’ai pu tester les danses bretonnes, vous savez, celles où se tient par le petit doigt 🙂 et aussi la galette saucisse ! De quoi se mettre dans l’ambiance.

Marché, arène ou guillotine ?

Nous empruntons la rue Saint-Michel, appelée « rue de la soif », une ruelle pavée où s’alignent les bars, un tous les 7 mètres dit-on ! Au-delà de son surnom, ça vaut le coup de lever le nez pour admirer les maisons à colombages.
Au passage, la guide nous explique la signification des jolies photos d’hermines qui figurent sur plusieurs bâtiments : elles servent à signaler les bâtiments en attente de rénovation, non habitables, et pour ce faire c’est ce petit animal à la fourrure blanche qui a été choisi, car l’hermine est le symbole de la Bretagne.

Nous voilà place des Lices. Autrefois, ce lieu était situé hors les remparts, à l’extérieur de la ville donc. Ici se trouvait une arène où se tenaient de tournois de chevaliers. C’est d’ailleurs de ces événements que la place tire son nom, les lices étant les palissades en bois qui clôturaient les terrains destinés aux tournois.
Aujourd’hui, l’arène a disparu et ce sont deux halles de style Baltard qui occupent les lieux. On les doit à l’architecte Jean-Baptiste Martenot qui a choisi de marier différents matériaux comme le verre, le fer, la brique et la pierre calcaire. Tous les samedis, elles abritent un immense marché (il paraît que c’est à ne pas louper… mais malheureusement, j’y étais en semaine et n’ai vu que les halles vides).

Si les halles sont relativement récentes, le marché, quant à lui, se tient ici depuis le 17ème siècle. Très vite, des hôtels particuliers furent construits tout autour, les terrains commençant à manquer intra-muros. De cette époque, on peut encore admirer l’hôtel de la Noue, situé au n°26. Il a un style un peu particulier, avec sa porte d’entrée surmontée d’un œil de bœuf dans un fronton triangulaire et ses deux petites fenêtres tout en haut qui émergent du toit ; une maison qui date de 1657 et qui à l’époque devait déjà faire son petit effet !
Sur cette place se tenaient autrefois aussi des choses beaucoup moins réjouissantes. A l’emplacement de l’horloge, il y avait un gibet qui servait aux exécutions. Les condamnés à mort arrivaient par la rue des Innocents (!) , située juste en face de l’horloge.

Les portes Mordelaises

Rendons-nous maintenant intra-muros. Pour cela, nous franchissons des fortifications imposantes, les portes Mordelaises. Elles sont le témoignage des remparts qui entouraient la ville. Les premiers ont été érigés au IIIᵉ siècle, mais ceux que nous voyons aujourd’hui datent de 15ᵉ siècle. Il y avait alors 5 portes, seules celles-ci ont traversé les âges. Elles ont récemment bénéficié d’une restauration. Plusieurs panneaux d’informations sont disponibles sur place. Sur la face extérieure, on peut voir les armoiries de Jean IV, deux lions dressés l’un face à l’autre. C’est d’ailleurs ici qu’il a prêté serment, car Rennes était la ville du couronnement des ducs de Bretagne jusqu’au rattachement de la Bretagne à la France.

Un projet d’aménagement du site est en cours avec la création d’un jardin le long des remparts, une belle initiative pour mettre en valeur ces témoignages historiques.
La porte débouche ensuite sur une ruelle très étroite, la rue des Portes Mordelaises qui mène à la cathédrale. Si on arrive par ce côté-ci, il ne faut pas hésiter à s’enfoncer dans la ruelle, car les portes ne sont pas visibles au premier abord, la rue étant légèrement en courbe.

La cathédrale Saint-Pierre

Nous voilà maintenant devant la cathédrale, un bâtiment qui a évolué au fil du temps : il y a dessous l’édifice un temple, mais le sol étant fragile, il n’est pas possible d’effectuer des fouilles. Au 12ᵉ siècle, c’est une petite église gothique qui est ensuite construite. Puis, à partir de 1560, un nouveau chantier voit le jour pour reconstruire et agrandir l’église, un chantier qui durera plusieurs siècles, entravé par les guerres de religion et les difficultés de financements.

L’intérieur est richement décoré, avec piliers en marbre rose, caissons peints au plafond représentants des armoiries, des anges, des décors floraux… et surtout, un merveilleux retable anversois ; une œuvre d’art particulièrement fournie, même si certains personnages ont été perdus. Il raconte la vie de la Vierge Marie et l’enfance du Christ. Ne quittez pas la cathédrale sans aller le voir !

Rouges, bleus, les jolis colombages

Nous sortons de la cathédrale par la rue Saint-Sauveur. Dans ce quartier se trouvent les plus belles maisons à colombages de Rennes. Les façades sont colorées, chaque couleur ayant une signification : ainsi le jaune caractérise une boulangerie. Le bois des colombages sont souvent peints en bleu ou en rouge. Il ne faut pas hésiter à prendre son temps dans ce quartier en passant par la rue de la Psalette qui contourne la cathédrale. Ce sera l’occasion de découvrir une maison ornée de personnages en bois, et juste à côté, rue du chapitre des façades joliment décorées. C’est vraiment le coin que j’ai préféré tant il réserve de surprises.

Face à face place de la mairie

Direction place de la Mairie, une immense place pavée. Et tout de suite, on remarque deux beaux bâtiments, un à chaque extrémité, chacun dans son style : d’un côté la mairie, de l’autre l’opéra. Mais regardez attentivement, ils se répondent ! Alors que l’opéra forme une rotonde, la mairie présente une forme inversée, en creux… en fait si on les rapprochait, ils pourraient s’emboîter.

Cet endroit tranche avec le cœur de la ville et ses maisons à colombages. Ici, la pierre a remplacé les pans de bois suite à un grand incendie. En 1720, la ville fut ravagée par le feu, se propageant de maison en maison pendant toute une semaine. Les constructions en bois et les ruelles étroites l’ont attisé. Seule la pluie permettra de l’étouffer. 45 % de la surface bâtie est partie en fumée. Il va falloir reconstruire ; plusieurs projets sont proposés sans faire l’unanimité. C’est finalement l’architecte du roi, Jacques Gabriel, qui va imaginer le nouveau visage de la ville. Il donne tout d’abord de la visibilité au Parlement en y aménageant une grande place juste devant ; puis il crée une nouvelle place, la place Neuve, aujourd’hui place de la mairie. L’hôtel de ville va devenir le symbole de la reconstruction de la ville, notamment avec son clocher et son horloge (qui remplace le beffroi détruit dans l’incendie). Son architecture est inspirée de l’Institut de France situé à Paris. L’opéra (au départ théâtre municipal) fut construit un siècle plus tard ; il vient clore la place de la mairie. Quant aux habitations, elles sont désormais en pierre ; le bois n’est plus utilisé que dans les arrière-cours.

Le phare de Rennes

Nous y voilà, devant ce célèbre bâtiment de Rennes, j’ai nommé le Parlement. Et c’est vrai qu’il est majestueux, dominant la place avec sa façade en pierre longue de 35 mètres, ses hautes fenêtres alignées et tout en haut ses décors dorés qui brillent de mille feux depuis la reconstruction de la toiture. L’escalier central est une invitation à y entrer. Et cette fois-ci, accompagnée de la guide de l’office du tourisme, je découvre l’intérieur : la salle des pas perdus, la chambre dorée et la salle des Assises.

Le Parlement de Rennes a été créé en 1554 par Henri II après la signature de l’édit de Fontainebleau. Il avait alors une fonction de cour de justice, « gardienne des coutumes des pays de l’ancienne France ». En 1750, les parlements de province étant dissous, celui de Rennes conserve sa fonction de cour d’appel. Le bâtiment abrite aujourd’hui aussi une cour d’assises.
En 1994, un incendie se déclencha dans la charpente détruisant une partie de la toiture et des œuvres d’art. J’ai encore en tête l’embrasement de la toiture et le sentiment d’impuissance face au brasier qui ravageait le bâtiment. Grâce à une impressionnante mobilisation, il n’aura fallu que 5 ans pour le reconstruire à l’identique.

Après être passés sous les portiques de sécurité, nous nous dirigeons vers la salle des pas perdus, la plus vaste du palais. Je suis impressionnée par la restauration qui a été menée. Si la guide ne nous avait pas indiqué précisément les quelques traces laissées par l’incendie (des traces laissées volontairement à titre de témoignages), je ne les aurais pas vues. Le plafond a été reconstruit avec minutie : tous les décors en bois doré ont été reconstitués ; on y trouve des guirlandes de fleurs de lys et des hermines. Au centre, un médaillon représente côte à côte les armes de la Bretagne et celles de la France.

La visite se poursuit avec la découverte de deux autres salles, dont la chambre dorée, le point culminant de la visite. Dorée, oui ; les murs, le plafond, tout resplendit. Les décorations y sont mêmes extravagantes, décalées pour un palais de justice. Le plafond est recouvert de caissons représentant l’Innocence, un livre à la main ou encore la sagesse sous la forme de la déesse Athéna, en bleu et blanc. Les murs sont recouverts de deux immenses tapisseries, l’une représentant le mariage d’Anne de Bretagne, l’autre les funérailles de Duguesclin. Mais la première a été remplacée par le carton préparatoire… la tapisserie avait été sauvée de l’incendie ; elle fut envoyée pour restauration dans des ateliers spécialisés. Mais le sort s’acharna. Un incendie se déclara dans ces ateliers emportant avec lui définitivement la tapisserie !
Et puis dans cette salle, il y a deux curiosités, deux loges suspendues. La plus petite était destinée aux invités de marque comme Madame De Sévigné ; la plus grande, quant à elle, était pour le roi. Mais un détail attira notre attention… il n’existe aucun escalier pour y accéder. Elle restait donc toujours vide mais avait valeur de symbole. La justice était ainsi rendue devant le roi, les rideaux étant censé le dissimuler … mais de toute façon, il n’aurait jamais pu y accéder.
Autre surprise dans cette salle : les murs en tapisserie rouge sont ponctués de « N » et d’abeilles dorés, un décor qui a en fait été ajouté lorsque Napoléon III vint inaugurer la gare de Rennes en 1857.

Pour clore cette découverte, nous passons par la salle des Assises, qui nous plonge dans les activités concrètes du palais de justice puisqu’elle est toujours utilisée pour cette fonction. La décoration y est plus légère (mais c’est tout relatif quand même) et plus moderne avec des nuages au plafond… image du paradis auquel le condamné aspirerait.

Je suis ressortie complètement émerveillée et je ne saurais trop vous inciter à faire cette visite si vous allez à Rennes. J’ai aussi beaucoup apprécié les explications et anecdotes de notre guide.

Ma visite guidée s’est donc terminée en apothéose ; enfin terminée pas tout à fait, car j’ai encore eu le plaisir de partager mon déjeuner à la Crêperie Rennaise avec une dame qui avait aussi suivi la visite. Un moment d’échange bien sympathique avec une autre grande voyageuse en France et ailleurs !

Et aussi…

Il y a encore plein d’autres belles choses à voir à Rennes, comme le parc du Thabor, la Basilique Saint Sauveur, La Criée, la piscine Saint-Georges, les bords de la Vilaine, les Champs Libres… de quoi occuper toute une autre journée, et peut-être un autre article à venir 🙂

Le coin pratique

  • Office du Tourisme, 1 Rue Saint-Malo, visite « cœur historique et parlement de Bretagne » 2 heures – 10,50 €.
  • J’ai dormi à l’hôtel Le Nemours, bien placé, petite déjeuner agréable et personnel sympathique ; par contre la chambre « cosy » est vraiment très petite surtout pour y rester plusieurs nuits (pas de place ni de placard pour poser les affaires).
  • Restaurants que j’ai testés et que j’ai bien aimés :
    • la Crêperie Rennaise, Rue Rallier du Baty, dans une maison aux colombages bleus, avec possibilité de manger dehors sur la place, des galettes classiques et très bonnes,
    • Oeuf la crêperie, un drôle de nom… des initiales pour On Est Une Famille, un local assez petit, mieux vaut réserver, des recettes originales (qui changent un peu quand on passe plusieurs jours sur place),
    • en arrivant le dimanche soir, pas évident de trouver quelque chose d’ouvert : je suis allée à Pokawa, restaurant hawaïen, 10 Rue Rallier du Baty, bon et original.
  • Pour ramener un souvenir goûteux, la biscuiterie La Trinitaine, le plus difficile sera de choisir tellement il y a de choses.
  • Autre article sur le blog : Champs Libres à Rennes

Epinglez-moi !

Cet article participe au rendez-vous mensuel #EnFranceAussi, créé par Sylvie, du blog Le Coin des Voyageurs. Et c’est Claire du blog Deux tortillas et la fleur de Lys qui est chargée d’animer le thème «Balade en ville» .

22 comments
  1. Claire

    Rennes j’y suis allée plusieurs fois quand ma soeur faisait ses études donc ça rappelle des souvenirs 😁 Merci pour la visite.

  2. Tiphanya

    J’ai déjà passé un week-end à Rennes mais à te lire je peux y retourner car j’ai absolument tout oublié (sauf les crêpes saucisses, je revois même avec précision le bout de parc où nous nous étions installées avec une copine mais dire où dans la ville… impossible).
    C’est finalement sans fin de vouloir connaître un pays. Entre ce qui change, ce qu’on oublie, ce qu’on ignore et ce qu’on veut revoir !

  3. Estelle

    Qu’est-ce que j’aimerais visiter Rennes, sa réputation la précède.
    C’est mignon cette anecdote avec les hermines. Le palais de justice est magnifique. Je n’aurais pas forcément pensé à le visiter vu de l’extérieur.

    1. Renée

      La 1ère fois que je suis allée à Rennes, je n’ai pas visité le Parlement effectivement. C’est en voyant les brochures après coup que je me suis rendue compte que j’avais raté quelque chose.

  4. Martine

    J’adore ces maisons à colombage. Et l’idée des hermines au lieu de mauvais journaux pour marquer les bâtiments insalubres c’est pas mal je trouve.

    1. Renée

      Elles sont vraiment très mignonnes ces hermines, mais au début je ne comprenais pas pourquoi elles étaient ainsi affichées. Heureusement, la guide a donné l’explication 🙂

  5. chloe

    J’avais visité Rennes quand mon frère y habitait, et j’avais été surprise de découvrir un centre si coloré avec des maisons à colombages! Merci pour ces souvenirs!

    1. Renée

      Merci Pierre. J’ai vraiment été surprise par ces maisons à colombages, je ne m’attendais pas à en voir autant et d’aussi belles.

  6. Delphine

    Haha j’ai l’impression de revivre mon court séjour à Rennes tant j’y avais fait la même chose (je m’étais même arrêtée dans le même hôtel) ! Je ne sais pas si tu as visité le musée de Bretagne, aux Champs Libres. j’avais adoré !

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